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La révolution digitale n'aura pas lieu

Chers amis, la révolution « digitale » n’aura pas lieu. Vous avez certainement lu cette phrase et donc au vu des avancées technologiques de notre chère Afrique, je comprends que beaucoup d’entre vous aient froncés les sourcils en me lisant. Permettez donc que je reformule. Chers amis blogueurs, influenceurs de tous bords, administrateurs de groupe Facebook et whatsapp, lanceurs d’alertes sur Twitter… La révolution via le digital n’aura pas lieu.

Révolution (Nom féminin, singulier) : Changement, un bouleversement important et brusque dans la vie d’une nation.

Vous vous demandez sans doute d’où me vient pareille inspiration? Eh bien, la blogueuse et activiste Befoune demandait dans une récente publication où étaient les jeunes, ceux là même qui ont des devoirs.

J’ai répondu , comme à mon habitude, avec un grain d’ironie.

Oui, les jeunes sont là. Ils sont bien présents et depuis la réussite de quelques campagnes pour attirer l’attention de l’opinion publique, ils sont désormais tous devenus défenseurs des causes publiques, de la veuve et l’orphelin, des immigrés et des victimes de nos dictateurs…derrière leurs écrans.

En 2012, alors que les sénégalais se levaient pour réclamer l’alternance, les blogueurs et autres influenceurs du Web ont parfaitement joué leurs rôles. C’était à qui dénonçait et à qui twittait le plus vite. Des plateformes sont nées et des leaders se sont élevés. Pourtant, ce n’est que lorsque les foules ont envahis les rues au rythme d’un Y’en a marre que la révolution a aboutit, que le changement a suivi. Burkina. Vous avez vous aussi suivi le combat des hommes intègres à travers les réseaux sociaux, les appels patriotiques et les directs Facebook où nos coeurs sursautaient au moindre bruit. Là encore, les influenceurs ont vu leur objectif atteint seulement lorsque les populations sont sorties dans les rues.

Pourquoi je vous raconte tout cela?

Simplement parce que je pense que dénoncer ne suffit pas et envoyer vos nos frères livrer un combat plus dangereux que celui que vous livrez derrière votre ordinateur est…lâche. En 2015, le Congo Brazzaville vibrait au rythme d’un Sassoufit dont les principaux initiateurs étaient tous à l’abri derrière un ordinateur. Mieux, plusieurs appels à lutter venaient de ceux là même qui -volontairement ou pas – n’étaient pas en mesure d’être eux aussi dans les rues. Des hommes et des femmes se sont levés, se sont battus et sont tombés. Malheureusement, le combat s’est vite épuisé dans les rues quand bien même il restait intense sur Internet.

Où je veux en venir?

A une réponse à la question de Befoune. Les jeunes africains qui doivent se battre pour des lendemains meilleurs, pour une société plus responsable, pour un meilleur niveau de vie…Cette jeunesse est sur Internet. Plus précisément sur Facebook, sur Twitter, sur Snapchat. Beaucoup d’entre nous – Oui, je m’inclue-  mènent un combat juste, dénoncent et portent haut leurs idées de changement. Malheureusement le plus grand nombre d’entre nous, citoyens digitaux, oublions que pour que notre combat aboutisse… Il faudra le rendre réel. Tôt ou tard. Et non pas se contenter – tels des généraux – de motiver des troupes qui iront vers un combat plus physique dont nous seront les premiers épargnés. Pensez vous que nos gouvernements ne lisent pas notre mécontentement? Ils le font, ils en rient et laissent au temps, la charge d’enterrer un bad buzz crée par un de nos Tweets.

Oui, vous me citerez les Activistes de tout bord qui – pour certains – sortent parfois du digital pour porter leur message dans le monde réel. Mais nous parlons ici d’une  jeunesse qui reste en grande majorité, cloitrée dans un rôle passif où elle exprime ses sentiments au gré de clics et de mots clés (hashtags).

D’ailleurs, en parlant de nos activistes; combien -dans la vie réelle – assument ouvertement les propos qu’ils écrivent en 140 caractères? J’espère qu’on ne parle pas de ceux qui critiquent l’Europe (par exemple) et que l’on voit faire des courbettes ambassades après ambassades pour obtenir un visa. Ceci était une parenthèse.

A quoi ça sert de dénoncer si nous sommes incapables de mettre en place des stratégies collectives qui feront prendre conscience à nos dirigeants de toute la force de notre révolution digitale? A quoi ça sert si notre combat virtuel n’a rien à voir avec notre vie réelle? Si vous avez la réponse, je suis preneuse.

Il est vrai que nous avons de belles réussites de campagnes, comme la très récente #faisonsLesComptes du togolais Aphtal Cisse. Mais il n’en demeure pas moins que pour certaines causes, il faudra enfin aller plus loin que la simple dénonciation.  Dénoncer, sur internet, c’est un premier pas, c’est un premier acte de bravoure et je n’oserai jamais jeter la pierre à ceux qui font ce premier pas mais ce qui serait intéressant, c’est de transposer d’une façon ou d’une autre NOS coups de gueules digitaux pour en faire de vraies forces dans notre quotidien, dans nos communautés. Et d’être enfin de vraies forces qui sauront influer sur les décisions de nos sphères politiques ou économiques.

Alors?

Pour la petite anecdote, un ami parlait de moi en me présentant comme une « activiste congolaise ». Titre que je refuse toujours car je pense simplement être une citoyenne congolaise qui entend profiter de sa liberté d’expression, qui a des choses à dire et qui exige des réponses. Cette position qui est mienne, ne me donne pas le droit d’inciter des gens à faire plus que ce que je ne saurais faire, moi même. Alors, au delà des coups de gueules poussés…Il faut savoir rendre les choses réelles. Et rendre notre engagement réel, ce n’est pas forcément de sortir dans les rues ou de faire des manifestations …C’est de voir plus loin qu’un simple Tweet, qu’un simple article, qu’une simple prise de position. C’est travailler à utiliser consciencieusement les outils que nous maîtrisons pour œuvrer à rendre ce monde plus juste.

Plus que n’importe qui, je crois en la force du digital. Et je sais qu’elle est une des voies de dénonciation et de contestation inévitables. Mais j’aimerais que vous aussi, vous vous posiez cette question : A quoi ça sert de dénoncer si nous sommes incapables de mettre en place des stratégies collectives qui feront prendre conscience à nos dirigeants de toute la force de notre révolution digitale? A quoi ça sert si notre combat virtuel n’a rien à voir avec notre vie réelle? Pour rappel, si vous avez la réponse; je suis preneuse.

Voilà, c’est dit.

Chers amis blogueurs, influenceurs de tous bords, administrateurs de groupe Facebook et Whatsapp, lanceurs d’alertes sur Twitter…

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Auteur·e

samanthatracy

Commentaires

Sergeobee
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Agree!

En tout cas, pas comme on l'entend.

Samantha Tracy
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Exactement.

Nelson Deshommes
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La révolution digitale aura bel et bien lieu. Ceux et celles qui croient en la force du digital le savent très bien. Ce n'est pas parce qu'un groupuscule fait des médias sociaux des canaux incontournables pour dénoncer certaines choses qui va changer cela. Dans un article sur le comportement de certains sur les réseaux sociaux publié par le plus grand quotidien haïtien: Le Nouvelliste. L'éditorialiste avait souligné: Les dindons sont sur les réseaux sociaux. ( https://lenouvelliste.com/article/169246/les-courageux-les-audacieux-et-les-dindons) Dans un autre registre, je comprends que tu es sur la même longueur d'onde avec l'auteur de ce texte. Et moi en guise de réponse à son article j'avais publié ce billet pour affirmer que les dindons ne sont pas seulement sur les RS ( https://nelsond.mondoblog.org/archives/1206) sachant l'impact des RS sur la révolution tunisienne et bien d'autres encore, j'ai du mal à comprendre l'objectif de ceux et celles qui tirent à boulet rouge sur les activistes des médias sociaux.

Samantha Tracy
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Relis stp. Il ne s'agit pas de "tirer à boulet rouge sur les activistes" mais plutôt de dire que cela ne fait pas tout. Après tu as le droit de penser que la lutte peut être QUE digitale et centrée sur un groupe de personnes. Moi je pense qu'elle doit être plus organisée et que la lutte digitale n'est qu'une étape d'un tout. Cordialement.

Ousmane Mamoudou
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Personnellement je pense qu'il ne faille pas s'emballer trop vite et attendre des résultats tout de suite. Internet en Afrique est encore en train de s'installer. Les africains ne représentent que 9% des internautes dans le monde et l'Afrique subsaharienne encore moins.Aussi pour lire et comprendre un message il faut être éduqué, hors sur le continent des progrès restent encore à réaliser. Il y'a toute une série de problématiques qui viennent un peu en contre sens de cette "révolution". Et puis tout le monde n'a pas forcément envie de clairement s'afficher, j'ai vu des écrivains couverts d'anonymat. L'essentiel ce n'est pas d'apporter une solution que d'ailleurs beaucoup de personnes qui dénoncent n'ont pas, l'essentiel c'est de réussir à bousculer les consciences. ;-)

Garens Jean-Louis
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Sacrément bien dit !