Sénégal, pays de la Téranga. Dakar, capitale africaine où « le donner et le recevoir » sont érigés en règles sacro-saintes. En y arrivant, on t’apprendra que l’on invite toujours un étranger à partager son repas ou même, dans l’art du bol ; qu’il est important de partager le peu que l’on a. On te dira que l’étranger – qu’il soit blanc, noir, jaune ou vert – est le bienvenue chez toi.
Tu apprendras, avec émerveillement, que l’héritage ancestral de la TERANGA (l’hospitalité à la Sénégalaise) est la base de chaque rencontre, chaque relation, chaque histoire.
C’est cette vision là que l’on a du pays de Senghor.
Il y a bientôt une décennie que j’ai quitté mon Congo natal pour le Sénégal. Pour des raisons d’études j’y suis venue ; pour des raisons professionnelles, j’y vis et pour des raisons humaines, je l’aime.
Malheureusement, en 10 ans ; j’ai eu le temps de tirer certaines conclusions.
Allez à Saint-Louis, visitez Thies, Kolda ou même Zinguichor… Vous y trouverez sans aucun doute la douceur de l’hospitalité à la Sénégalaise.
Revenez à Dakar et vivez-y, vous comprendrez en très peu de temps qu’ici, la Téranga n’est plus qu’un vieux souvenir du Sénégal d’avant. A Dakar, la « Téranga » a déserté les rues…
L’Etranger, ce NIAK…
La première fois qu’on m’a appelée NIAK, je n’y ai pas prêté attention. Il faut dire que dans la plupart des pays, il y a un terme plus ou moins anodin pour désigner l’étranger. Curieuse, j’ai voulu en savoir plus. Que voulait donc dire ce terme « NIAK ».
De ce que j’ai appris, à l’origine le NIAK (ñak en wolof) est une personne originaire de la forêt, qui y vit et qui n’est pas civilisée : un sauvage.
Le terme NIAK, dans son étymologie, fait donc référence aux sauvages qui tentent d’envahir les terres de personnes plus civilisés.
Cependant, il y a NIAK et NIAK…
A Dakar, le NIAK aka l’étranger, à qui le respect semble être dû de droit, reste le blanc, le toubab. Que ce soit dans les services publics ou privés, il semble que la peau blanche donne d’office un statut que le NIAK africain n’aura pas forcément.
Le problème, c’est l’autre…
Alors que j’étais dans un bus, un Monsieur d’un certain âge expliquait que la jeunesse sénégalaise s’était pervertie depuis que les “NIAK” s’étaient installés. Mieux, il insinuait que le pays se porterait mieux sans la présence de ces fameux étrangers.
Choquée, je n’ai pourtant pas relever ses insinuations. Je suis d’avis que vieillesse n’est pas toujours synonyme de sagesse.
Toujours dans le même genre, je me souviens qu’à une certaine époque, alors que je vivais avec des amies, nous avons appris que dans l’immeuble – où nous étions les seules étrangères – nous avions un tarif “spécial” pour le loyer.
Pire, le reste des locataires s’approvisionnaient en électricité via notre compteur, à notre insu. Et lorsque nous avons crié au scandale, la réponse n’a pas tardé :
Vous êtes des NIAK, vous avez de l’argent…
Malheureusement, cette phrase résume à elle seule, la façon de voir d’un grand nombre de Sénégalais. Pour certains, le fait d’être étranger en terre sénégalaise signifie que nous avons tous un papa Ministre ou une bourse étatique à 10 chiffres.
La grosse blague!
Les étudiants étrangers ont tous une histoire à raconter sur les soirées de galère où l’on s’endort en se contentant d’un bout de pain et d’un verre d’eau. Pour la plupart, ce n’est que grâce aux sacrifices consentis par nos parents que nous avons eu la chance d’étudier à l’étranger.
Avec le temps, on assiste à une déshumanisation totale de bon nombre de Dakarois. D’ailleurs, à l’origine de ce coup de gueule, la mésaventure d’un ami qui a été cambriolé au vu et au su de ses voisins et qui a dû subir l’indifférence de la police locale. Il en parle d’ailleurs ici.
Ce Sénégal Dakar qui fait peur…
Je disais au début de ce texte que j’aimais Dakar, avec ses forces et ses imperfections. Mais j’ai peur du Sénégal de demain.
Plus le temps passe et plus le Sénégalais lambda traite ses voisins africains avec un mépris que je ne m’explique pas. Les plus touchés d’entre nous sont sans aucun doute les Guinéens qui – heureusement – gèrent bon nombre des petits commerces de la capitale.
Des intellectuels dans les salles de classe aux petits commerçants dans les rues, il semblerait que le mot ait été passé pour signifier que le NIAK, c’est le problème.
Pourquoi donc?
Nous payons nos impôts, nous payons des loyers souvent très élevés et même au niveau de certains établissements scolaires, nous payons le double de ce que paient les nationaux.
Où est donc le problème ? Doit-on se justifier de vivre en terre étrangère ?
J’aime trop le Dakar que je vois au travers des yeux de grand nombre de mes amis locaux. Ce Dakar qui tend la main à l’autre et qui va puiser dans l’essence même de la Teranga pour accueillir sans aucun mépris l’étranger qui frappe à sa porte. Ce Dakar chaleureux où l’amitié et les sourires ne se vendent pas contre quelques CFA et où, finalement, chaque rencontre est une richesse.
N’oublions pas… Chacun a un “chez soi” mais le monde d’aujourd’hui est trop ouvert pour que l’on croit que nous ne deviendrons pas tous des nomades. Parce qu’après tout, pour que les choses changent, il faut que les gens bougent.
J’écris ces lignes avec le cœur lourd , avec le regard triste parce que Dakar se déshumanise. Et si seulement je pouvais dessiner à nouveau le Dakar d’avant. Celui où le “Kay lekk” (Viens manger) n’est pas qu’une simple politesse mais une vraie invitation. Celui où l’on t’accueille les bras tendus en te souhaitant la paix, rien que la paix. Diam ak Salam.
En attendant de peindre un tableau plus éclairci de la capitale du Y’en a marre, celle du mbalakh, celle du wolof et des sabars…
Bou leune meusseu fatt, jamm, mome li fi Mame yi bayi …
N’oubliez pas, la paix c’est que les ancêtres vous ont léguée… Votre paix! Celle que vous saviez transmettre à tous ceux qui passaient chez vous. Celle qui fait que l’on aime Dakar et le Sénégal sous toutes ses facettes.
J’ai parlé.
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