Dieu sait que j’avais juré de ne plus écrire sur le Congo. Dieu sait que je m’étais fait la promesse de fermer les yeux parce que finalement rien ne changeait et que même ceux sur qui je comptais pour que les choses aillent mieux avaient décidé de vendre leurs âmes et leurs convictions. Qui étais-je donc pour continuer à crier à gorge déployée que ça va mal au Congo et qu’il était plus que temps de l’on se lève pour que les choses changent ?
Dieu sait que j’avais juré que je ne parlerai plus des frasques ceux là qui sèment jour et nuit la misère dans la vie de milliers de congolais.
Mais permettez donc que je déroge à ma propre règle.
« Une vingtaine de jeunes avaient été interpellés dont seize ont été placés en garde à vue au commissariat de Chacona [dans le quartier de Mpila]. Dans la nuit du 22 au 23 juillet, treize d’entre eux sont morts », a déclaré le ministre Raymond-Zéphirin Mboulou en réponse à une question à l’Assemblée nationale – Source Le Monde.
16 jeunes auraient donc été interpellés suite au décès d’un homme dans leur quartier de Brazzaville. Ces jeunes auraient été mis en cellule et 13 d’entre eux sont morts. 13 jeunes congolais sont morts après avoir été interpellés. Comment voulez-vous que je me taise ? Comment voulez-vous que je fasse semblant que tout va bien et que je continue de me taire à coup de #AllonsSeulement ?
Selon LE MONDE, quelques jours plus tôt (le mardi 24 juillet en l’occurrence), le Ministre de la Communication Thierry Moungalla avait déclaré sur les ondes de Radio France Internationale
« Il ne s’est rien passé au commissariat ».
Selon lui, « deux bandes se sont affrontées de manière très violente sur la voie publique » avec pour conséquence « la mort de plusieurs hommes ».
Depuis le Porte-Parole du gouvernement aurait nuancé sa déclaration, en affirmant qu’il n’avait fait que transmettre une information reçue comme telle. Une justification qui, sans excuses, n’avait pas lieu d’être.
Mais avait-il vraiment tort en disant « Il ne s’est rien passé » ? Je ne pense pas non !
J’ai attendu depuis deux jours maintenant que des voix se lèvent, que des jeunes parlent, que des autorités disent autre chose que des messages sans fonds à la gloire du pouvoir en place…mais rien !
Le plus drôle c’est qu’il y a quelques semaines, un opérateur téléphonique faisait des siennes. Il fallait voir le nombre de personnes qui ont parlé, twitté, mis des posts Facebook et autres. Aujourd’hui, 13 des nôtres ne sont plus. Combien ont jugé utile d’en parler ? Combien ?
Il n’a pas forcément tort M. Moungalla.
13 jeunes congolais sont morts, il n’y a aucune explication et RIEN, je ne vois rien. Où sont vos interrogations ? Pourquoi je n’entends pas votre désolation ?
Je ne m’attends pas à ce que la jeunesse congolaise se lève pour protester. Je n’enverrai aucun de mes frères dans la rue pendant que je suis derrière un écran. Ce serait injuste de ma part. Mais ne suis-je pas en droit d’attendre que vous dénonciez ? Que vous puissiez exiger des réponses ou même simplement que vous en parliez ?
Venance Konan a publié un livre récemment, dont rien que le titre est inspirant. « Si le noir n’est pas capable de se tenir débout…Laissez-le tomber ». Je vais me permettre de reformuler.
« Si le Congolais n’est pas capable de se tenir debout…Laissez le tomber »
J’avais décidé de ne plus écrire à propos du Congo. J’avais promis que je crierai plus sur les toits pour dénoncer ce qui ne va pas. J’avais juré que je me tairais et que je regarderai faire.
Je regarderai mes frères qui écument les bars à la recherche d’une bouteille de bière qui coûte moins cher que de l’eau…
Je regarderai mes frères qui continuent de travailler avec des mois de salaires impayés…
Je regarderai mes frères qui trouvent que c’est normal de vivre dans l’insalubrité…
Je regarderai mes frères qui savent que 13 de nos frères sont morts et qui se taisent. Encore.
Je me répète. Jamais je n’enverrai un frère dans la rue alors que je suis derrière un écran. Mais INDIGNEZ-VOUS !
De grâce, indignons-nous. Au moins cela. Partageons l’information pour qu’au moins d’autres sachent ce qui se passe de notre côté de la terre. Ne laissons pas ces morts finir dans nos nombreux faits divers.
INDIGNONS-NOUS.
Ou alors, continuons de nous taire et la prochaine fois, ce sera pire. Ce sera chaque fois pire.Et nous n’aurons rien à dire.
La blogueuse Dave a écrit ce texte, plein de sens.
Moi, je n’ai plus rien à dire.
A ce stade de mutisme, je pense que nous avons les dirigeants qu’on mérite.
Commentaires