Mariage ! Mariage ! Mariage !
J’ai 26 ans et je ne pense pas avoir besoin de vous dire que ma mère – dont je suis la fille unique – me pose la question au moins 3 fois par semaine : « tu te maries quand ? ».
Oui, j’ai atteint cet âge où les paris sont lancés pour voir si effectivement je finirais vieille fille, avec des chats et mes neveux que j’hébergerais.
Mais bon, ceci n’est pas la question…
Au Congo, dont je suis fièrement originaire, le mariage se déroule en 3 grandes étapes. Le mariage coutumier, le mariage civil et enfin, le mariage religieux.
S’il est vrai que les deux derniers mariages se font en grandes pompes, il n’en demeure pas moins que le mariage coutumier reste le plus important. D’ailleurs, il se déroule en 3 phases : 1er vin ou présentation aux parents, 2e vin ou confirmation de la présentation et enfin, la dot.
Culture à vendre en solde…
Dans la majorité des ethnies congolaises, la dot intervient après que la famille ait dressé une liste exhaustive des biens matériels qu’elle demande pour la main de la jeune fille mais aussi de l’argent qui devra les accompagner. A ce niveau tout est une question de famille et de besoins. Il n’est malheureusement pas rare de voir des familles « vendre » leur fille à des prix exorbitants selon qu’elle ait étudié, qu’elle soit vierge, qu’elle soit fille unique. Bref, toutes les raisons sont bonnes pour justifier que l’on demande 2 à 5 millions pour une dot.
On en reparlera sans doute mais ceci n’est pas l’objet de cet article.
Le mariage coutumier rime avec culture. Il faut savoir comment procéder, à qui parler et que offrir selon l’ethnie de la demoiselle. Mais plus encore, pour le jour j, il est question de comment se vêtir. Et c’est là que le bât blesse.
Bienvenue au Congo. Pays où la culture est en solde.
Récemment, un grand frère s’est marié coutumièrement et a posté les photos de ce jour béni sur les réseaux sociaux. J’ai parcouru l’album en long et en large avant de lui écrire en privé.
Tu as épousé une hindou ? Félicitations oh !
Il n’a pas tardé à me répondre
Une hindou ? Je trouve ça où ? J’ai épousé une Punu.
Really ? Permettez moi l’expression et l’étonnement qui va avec parce que moi ce que je voyais des photos c’était plutôt une jolie dame habillée en Saari, maquillée à l’indienne avec le point rouge et les dessins de henné sur ses mains.
Et sans doute dans l’optique d’harmoniser, son conjoint était également habillé à l’indienne et la rêveuse que je suis s’attendait presque à les voir esquisser les pas d’une danse venue de l’ autre bout du monde.
Ils ne sont assurément pas les seuls ! Chaque samedi, si vous parcourez les ruelles de Pointe-Noire ou de Brazzaville, vous verrez des mariés habillés à la Nigériane, à l’Ivoirienne, à l’Indienne, à la Sénégalaise… pour célébrer un mariage coutumier 100% congolais.
La plupart d’entre eux n’ont d’ailleurs aucune histoire commune avec le pays dont ils portent fièrement les atours traditionnels et ne savent pas la signification des détails qui y sont apportés.
C’est à mourir de rire.
Les « avocats du diable » ne manqueront pas de me sortir la phrase de circonstance : « C’est leur mariage. Ils ont le droit. Ça te fait quoi même ? »
Oui, c’est leur mariage…
Oui, ils ont le droit…
Mais ça me fait peur de voir comme notre propre culture est bradée.
Où est passé le Raphia ?
Où sont passés les Wax que les mamans transmettent à leurs filles à l’approche des noces ?
Où est passé le traditionnel « Ponzi » des femmes Punu ? Ce panier qu’elles utilisent pour la pêche mais qu’elles arborent lors de leur mariage coutumier, troué, pour rappeler qu’elles ne s’attarderont pas sur les problèmes ?
Que sont devenues les marques ethniques de chez nous ?
La culture se meurt…
L’internationalisation de notre mariage coutumier n’est pas le reflet de notre ouverture d’esprit. C’est simplement le reflet de notre complexe ou pire, de notre ignorance quant à nos propres coutumes.
Oui, parce que c’est de ça qu’on parle… Où est donc passée la culture congolaise ? La culture vestimentaire qui disparaît n’est que l’arbre qui cache la forêt. Les Congolais, de Brazzaville j’entends ; ont soldé leurs cultures. Elle n’est plus que l’ombre d’elle même.
Lors des derniers Jeux Olympiques par exemple, c’est avec beaucoup de joie que j’ai vu les délégations burkinabées, sénégalaises, béninoises et camerounaises qui arboraient fièrement leurs tenues nationales pour le défilé d’ouverture.
A notre tour, rien d’étonnant, les SAPOLOGUES étaient dans la place. On s’en vante mais il n’y a pourtant rien qui devrait nous rendre fiers.
Vestes, chemises, cravates… Et alors ? Est-ce là le Congo ?
Que les SAPEURS SAPOLOGUES me pardonnent de m’en prendre à leur sacro-sainte religion mais plus le temps passe et plus je suis effrayée de voir que leur SAPOLOGIE est désormais plus valorisée que notre CULTURE VESTIMENTAIRE de base.
Oui, on s’y connaît davantage en Yves Saint Laurent qu’en MAPUTA.
Et ça fait peur…
Rien d’étonnant pourtant lorsqu’on voit nos officiels qui ont adopté les tenues d’Afrique de l’Ouest ou les étudiants à l’étranger qui, lors des journées culturelles, ne sauront vous dire avec exactitude quelle est la tenue traditionnelle au Congo.
D’ailleurs, est-ce que nous en avons une ?
Demain…
Certains riront et d’autres me taxeront de moralisatrice à deux sous mais qu’importe ? J’aimerais juste savoir ce que nous lèguerons aux générations futures.
Je le disais plus haut, cette « internationalisation » de notre culture n’est que le reflet de notre culture qui dépérit : chants, danses, cinéma, littérature…
A force de s’ouvrir au monde, nous perdons notre authenticité.
Je tire une sonnette… Je lance l’alarme. Il faut sauver la culture congolaise. Il faut lui donner à nouveaux ses lettres d’or, il faut en parler dans les écoles, il faut lui donner la place qu’elle mérite.
Sinon, au delà du vestimentaire, d’ici quelques années tous les rites initiatiques auront disparu. Les langues ethniques se seront appauvries, les danses traditionnelles seront inexistantes et même notre art se résumera à ce que d’autres auront exporté chez nous.
Notre culture est notre identité… Quelle est la tienne ?
Non, mieux ! Quelle est la culture que nous laisserons à nos enfants ?
« La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié » disait un célèbre penseur…
Au CONGO Brazzaville, il semble que nous ayons tout oublié… Ça expliquerait alors pourquoi nous nous accaparons – sans respect – la culture que d’autres auront su garder. Et sublimer.
NDLR : Image à la Une, un modèle de la Designer gabonaise Mireille Nzoumbou. Comme quoi, même à ce niveau, on pique chez les voisins. J’ai parlé.
Commentaires