J’ai posé mes bagages à la suite d’un long périple entre Dakar – Nairobi – Antananarivo, capitale de Madagascar.
Invitée à la formation MONDOBLOG se tenant durant le Sommet de la francophonie, j’ai eu le privilège de passer une dizaine de jours dans cette ville colorée que l’on croirait sortie directement d’une vieille carte postale.
J’aimerais tellement vous raconter « Tana » mais je ne pourrais vous transmettre l’émotion qui m’a habitée en faisant sa connaissance. Je me contenterais donc de retracer les grandes lignes de mon périple…
Bonjour le monde. Ici Samantha Tracy, de Dakar à Antananarivo.
Bienvenue à Tana…
L’arrivée à « Tana », petit nom de la Capitale malgache ; s’est faite sans trop de soucis. Il faut dire que l’Organisation internationale de la Francophonie avait mis les petits plats dans les grands pour nous accueillir : Visa de courtoisie et non-obligation de faire une longue queue d’attente. #Merci
Au sortir de l’aéroport avec les autres blogueurs, j’ai découvert une ville qui se cherchait encore entre modernité et passé, entre richesse et pauvreté.
Si il est vrai que les panneaux affichaient l’événement de l’année pour cette île, les rues – elles – affichaient le désarroi des populations qui regardaient passer les convois des décideurs de ce monde en sachant que leur présence ne changerait rien à leur quotidien.
Les vieilles Renault – des taxis – pour la plupart du temps, encombraient les petites chaussées et aux nombreux embouteillages, des enfants en guenilles ainsi que des femmes d’un certain âge ; venaient frapper aux vitres du bus. Ils demandaient la charité.
Bienvenue au village de la Francophonie…
Comment vous dire ça ?
Le village de la Francophonie, ce n’est pas Antananarive ! Non ! Impossible.
C’est ce que je me suis dit en arrivant au magnifique village de la Francophonie.
A l’entrée, la sécurité vérifiait chaque sac et s’assurait que nul objet dangereux ne vienne nuire à la fête. Bon point !
Le village était à la fois un espace de promotion culturelle et de promotion commerciale. Les différents pavillons ont été décorés aux couleurs du pays ou de la structure qu’ils représentaient.
Entre deux courses, j’ai eu le temps de vous proposer mon top 5 des stands à visiter obligatoirement.
Le village de la Francophonie, c’était aussi la Place de la musique où pendant toute une semaine se sont produit des artistes de plusieurs domaines. Pour ma part, j’ai été charmée par Bloco Malagasy ; un groupe de jeunes filles, prodiges des percussions. Mais aussi par les slameurs du MadagaSlam qui m’ont fait le plaisir de m’inviter à partager une scène au Sommet International de la Francophonie.
Au risque d’être trop longue, je ne vous parlerais pas de la diversité chaleureuse qui a constitué ce petit bout de monde. Ni même des rencontres extraordinaires que j’ai pu faire. Je me contenterais de vous dire que j’ai eu le plaisir de rencontrer Michaelle Jean, Secrétaire Générale de l’OIF et son Excellence François Hollande avec qui j’ai eu un bref échange. En Slam.
En fin de compte, pour la blogueuse de passage que je suis, le village de la Francophonie a tenu ses promesses. Malgré des délestages fréquents et une connexion internet peu stable…On ne peut malheureusement pas tout avoir !
Mais à côté de cela…
Je disais donc que le village de la Francophonie n’était certainement pas Antananarivo. La différence était de taille. Tant en ce qui concerne les lieux que les personnes qui les fréquentaient.
Comment ça ?
Les malgaches…Ces lésés!
L’entrée au village de la Francophonie était payante. Oui, payante ! Pour le commun des Malgaches en tout cas. Environ 2000 ariary (383 francs CFA); en sachant que la classe moyenne malgache vit avec moins de 3000 ariary par jour (600 francs CFA) et que une grande partie survit avec 500 ariary par jour (100 francs CFA).
Dois-je expliquer à quel point c’est grave ?
Vous comprendrez alors pourquoi on trouvait plus d’habitants de Ivandry que ceux de Anosibe (Ndlr : Quartiers aisé et quartier pauvre d’Antananarivo).
Le village de la francophonie était fermé – il faut le dire ainsi – au grand nombre des malgaches qui, il est important de le souligner ; n’ont pas les moyens de se payer un ticket d’entrée pour vivre l’événement qui met leur pays au centre du monde francophone.
Les hôtels, les commerces, les stands…
Hormis le côté assez commercial du village comme souligné ici, il y’avait le fait que – Ohh surprise ! – les entrées d’argent seraient rentables pour un petit nombre seulement de malgaches, déjà assez nantis.
Au village de la Francophonie par exemple, j’ai été surprise d’entendre une des vendeuses parler de ses expériences dans certaines contrées lointaines. Une grande dame de toute évidence. Grande dame qui me regarda d’ailleurs dédaigneusement lorsque j’ai tenté de négocier le prix d’une pochette qu’elle me vendait à 10.000 ariary (2000 francs CFA). Pochette que j’ai achetée par la suite à 3000 ariary (600 francs CFA) au marché local « Pavillon ».
C’est à se demander combien coutait la location de ces stands ? Est-ce que les petits commerçants ont eu leur chance d’exposer ?
Bref ! Tellement de questions et si peu de réponses.
Même constat au niveau des hôtels, des restaurants et des commerces où les propriétaires sont majoritairement des indiens. Une communauté assez présente à Madagascar et remarquée par son poids économique. Des commerces les plus modestes aux plus développés.
En somme, le Sommet de la Francophonie ne semble guère avoir été bénéfique pour la population malgache moyenne. Juste un étalage de comment l’Etat malgache pouvait – finalement – dépenser utiliser l’argent du contribuable.
Liberté d’expression prise en otage
Un « code de la communication médiatisé » jugé « liberticide » par les professionnels de la Communication et de l’Information, les membres de la société civile malgache, les activistes, les blogueurs et les simples citoyens a été promulgué par le Chef d’Etat dans sa version contestée. Une atteinte à la liberté d’expression qui a poussé le mouvement pour la liberté d’expression (MLE) à adresser cette lettre aux états participant au Sommet de la francophonie. Pour quelle réponse ? Aucune.
Puisque hormis quelques manifestants réclamant leur liberté de s’exprimer, tout semblait aller dans le meilleur des mondes à Antananarivo.
Africains ? Nous ?… Non ! Malgaches !
Alors que je sillonnais le village de la Francophonie, camera en main ; j’ai aperçu un groupe de jeunes que j’ai vite fait de rejoindre. Alors qu’ils me parlaient de leur ville, je leur ai demandé si ils se sentaient africains.
Africains ? Non ! Nous sommes malgaches !
Je ne saurais dire si cela fait partie de leur éducation mais à entendre ces jeunes d’environs 20 à 22 ans, il existe un culte de la « clarté » à Madagascar. Cheveux lisses, teint clair et français parfait : Voilà comment il faut être.
Pourtant, avec le sourire, une d’entre eux n’a pas hésité à me dire qu’elle allait se faire lisser les cheveux tous les samedis et a même accusé son amie d’utiliser du « pandalao » – crème éclaircissante – pour garder un teint plus clair. Plus malgache.
Je crois qu’on est plus indien…Chinois…Je sais pas ! Mais pas africain ! D’ailleurs, on ne s’est pas détaché de l’Afrique ! Plutôt de l’Inde. Non, on est pas africains.
J’ai choisi de ne pas poursuivre mon interrogatoire. J’ai souris et je suis partie.
Je pourrais continuer pendant des heures à parler de cette ville colorée où les habitants sont nombreux, différents, souriant bien que démunis.
Je pourrais parler des petites rues de « Tana » où j’ai rencontré des enfants curieux, des femmes travailleuses, des scouts joyeux entre richesse et pauvreté.
Je pourrais vous parler de nos rires dans les ruelles de la capitale, de la viande de Zébu que j’ai dégusté à toutes les sauces, de la THB qui m’a désaltérée même quand je n’étais plus assoiffée, des petites rues commerçantes où le prix est triplé et où on vous propose directement de payer en Euros…
Je pourrais vous parler de « Tana » pendant des heures, de son soleil qui se lève trop tôt et qui – quand il se couche – est trop beau.
Je pourrais faire ça mais ça ne suffira pas.
Je suis allée à Antananarivo dans le cadre du Sommet de la Francophonie et cela a été une expérience inoubliable et bénéfique pour la jeune femme que je suis.
Si il est vrai que j’ai quitté la grande île avec plein de souvenirs dans la tête et une nouvelle vision du monde, je n’ai pas manqué d’être touchée, frustrée et dégoutée par nos dirigeants qui ferment les yeux sur les malgaches, lésés et en marge de cette célébration.
J’ai d’ailleurs parlé à un jeune malgache qui m’a particulièrement touché. A moi, il a dit avec la voix enrouée et les yeux presque larmoyants :
Ceci n’est pas Madagascar. Où sont donc passés nos mendiants? Nos frères qui crient la misère. En marge de cette célébration, il y’a l’autre Madagascar. Celui que vous ne verrez pas et dont on ne parlera pas parce que trop occupés à ovationner la réussite de ce sommet où les malgaches sont les principaux oubliés. Revient nous voir Samantha…Dans un mois, un an ou deux, et tu verras Madagascar. Celui dont on ne parlera pas cette fois-ci. Pas à ce sommet.
Au revoir « Tana »…Au revoir et à très vite! En espérant que la prochaine fois, ce soit toi… Toi, la vraie « Tana » qui me dise « Tonga soa ». Bienvenue.
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