Pour qui ne le sait pas encore – et je me demande comment – je m’appelle Samantha Tracy et je suis congolaise. Née à Brazzaville, élevée au rythme de la rumba, des chroniques congolaises et bien sûr, des histoires de ma grand-mère.
Tout cela pour vous dire à quel point le Congo coule dans mes veines et à quel point je suis attachée aux valeurs culturelles de ce pays.
Au vu du titre, vous vous posez certainement la question : écrire quoi Samantha ? Un roman, une chanson ?
Non ! Écrire à mes parents. Une lettre, noir sur blanc. Avec des mots soignés et ses intentions précisées. Parce que si ailleurs le « veux-tu m’épouser » se fait en posant le genoux à terre…. Au Congo, on écrit aux parents. Noir sur blanc.
Le Congo Brazzaville, en version longue République du Congo est un pays situé en Afrique centrale et riche de ses 65 tribus. C’est un pays – malheureusement – trop ouvert à la modernité et dont les traditions se perdent lentement mais très surement. Rescapé de cette perte de traditions, le mariage coutumier qui –même s’il tend à être dénaturé – reste une des dernières parcelles coutumières dont le Congo refuse de se défaire. A tort ou à raison ? Là n’est pas la question.
Toujours est-il qu’au Congo Brazzaville, avant de dire oui, devant les Hommes et devant Dieu, il faut obligatoirement se plier à la tradition : se marier coutumièrement.
Écrire aux parents…
Traditionnellement, une femme congolaise ne peut « accorder » sa main à son petit-ami, sans l’aval de sa famille. Et toujours traditionnellement, on ne présente pas un « petit-copain » à ses parents. On présente un prétendant, un « homme qui a écrit ».
Au Congo Brazzaville, écrire aux parents revient simplement à officialiser une relation et à demander à rencontrer la famille. C’est la première étape qui mène vers la dot. Selon les ethnies, c’est soit le prétendant qui écrit directement la lettre adressée à son futur beau-père ou alors un représentant de la famille, généralement un oncle.
La lettre, souvent accompagnée d’une somme d’argent symbolique ou d’une bouteille de vin, sollicite une rencontre pour une présentation mais aussi, demande que la famille définisse la dot pour le mariage de leur fille.
La réponse, généralement favorable, revient également via une lettre que la famille adresse au futur-gendre. On convient d’une date pour la première rencontre des familles.
Le mariage coutumier chez les Kongo…
Un des groupes ethniques qui reste encore très attaché aux détails du mariage coutumier est « Les Kongo ». Pour ces bantous, le mariage –quel qu’il soit – ne saurait être célébré sans passer par l’étape de la tradition.
Si mon chéri passe par ici vous avez l’intention d’épouser une congolaise, ceci pourrait faire office de schéma classique.
La présentation : premier vin, Malavu Ma Ntété
Cette cérémonie très intime permet aux parents directs de la jeune fille, de rencontrer son prétendant. Généralement, elle ne concerne que la famille restreinte des deux futurs époux.
Le jeune homme vient en général accompagné de son père et/ou son oncle ainsi que de sa mère. Ils apportent des boissons destinées au père de la jeune fille. Chez les Kongo, cette rencontre est appelée « Bu kué monika » ou littéralement « La rencontre ».
Les fiançailles : deuxième vin, Malavu Ma Nzolé
Après la présentation, le jeune homme revient à nouveau voir sa belle-famille, de façon solennelle. C’est au cours de cette rencontre que l’oncle (porte-parole familiale dans la coutume congolaise) annonce les intentions de mariage. C’est à ce moment aussi que la plupart du temps, la liste de la dot est demandée.
Chez les Kongo du Pool, l’un des principaux éléments de la compensation matrimoniale est le panier de noix de cola («Mutété Makasu») que le marié doit apporter au matrilignage et au patrilignage de la mariée.
La noix de cola joue ainsi un rôle majeur dans l’établissement des relations d’alliance entre les lignages à travers le mariage coutumier. Rôle social de la Noix de Cola au Congo Brazzaville.
Les fiancés sont appelés « Makangus ».
La dot : troisième vin, Malavu Ma Ntatu – Makuela
« Makuela » signifie mariage. Cette cérémonie est l’aboutissement de tout le processus. C’est la dernière étape qui concrétise le lien entre les fiancés « Makangus » qui deviennent épouse et époux « Kento na bakala ».
C’est lors de cette cérémonie très détaillée que l’homme épouse officiellement sa femme. Du moins, aux yeux de leurs familles. Il donne la dot par la voix de son oncle et sa belle-famille reçoit également la dot par la voix d’un oncle.
La cérémonie est spectaculaire, digne d’une pièce théâtrale millénaire. Il faudrait d’ailleurs que je vous raconte en détails la beauté de cette union traditionnelle. Une autre fois.
La dot n’est pas la même selon les ethnies mais en règle générale, vous trouverez des casiers de bières et de jus, des dame-jeanne de vin de palme, des ustensiles de cuisine, des noix de colas (makasu), des pagnes et surtout, l’indispensable « costume du père ».
Cependant, à cette liste s’ajoute souvent des « amendes » que les familles imposent pour sanctionner le non-respect des règles traditionnelles. Il s’agit souvent des enfants avant célébration du mariage, cohabitation avant le mariage mais aussi, retard quant à l’heure prévue pour la cérémonie et dans les cas les plus exagérés : le niveau d’étude de la jeune femme, le statut professionnel,…
Autant dire qu’à chaque famille, sa dot idéale.
Une tradition en perdition…
Je le disais plus haut. Le mariage coutumier est une des rares parcelles traditionnelles restantes. Et s’il est vrai que les familles attendent toujours de pied ferme les demandes en mariage, la jeune génération – elle – se rebelle.
Il faut dire que ce processus ressemble de plus en plus à un pèlerinage où les avancées se font à coup de centaines de milles. Au Congo, le mariage coutumier est désormais un moyen de se remplir les poches.
L’article 14 du code de la famille au Congo Brazzaville, fixe le montant de la dot à 50.000 francs CFA. Mais aujourd’hui, il faut payer des millions pour espérer régulariser sa situation. Les familles ne se contentent plus des symboliques « lampes à pétrole » censées éclairer la vie du jeune couple, elles demandent des groupes électrogènes. Ou pire, des télévisions Plasma, des téléphones haut de gamme, des abonnements internet ou même des voitures.
Si votre âme sœur se trouve être une congolaise, vous avez désormais la marche à suivre. Dites lui que vous l’aimez mais surtout, apprêtez-vous à écrire à ses parents. Avec conviction et beaucoup de motivation.
En règle générale, les parents congolais ne sont pas compliqués. Les pères lèveront peut-être même leurs verres à votre santé. Mais soyons clairs, même si le monde a bien évolué… Restons traditionnels. Oubliez les emails. La demande, il faudra la faire sur papier.
Pour dire vos intentions et montrer vos bons sentiments. Noir sur blanc.
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