Chers entrepreneurs, comment vous dire ça ?
Mieux, comment le dire le plus simplement possible ?
« Entreprendre n’est pas un métier ».
Avant que vous ne continuiez ce billet ou même que vous commenciez à fulminer devant votre ordinateur sur la phrase – oh combien énervante – que je me permets d’écrire ; revenons quelques mois en arrière.
Il y a quelque mois, j’ai assisté à une présentation dans un Institut Supérieur de la place. Une amie m’avait convaincue d’aller à cette présentation que donnait un jeune et brillant entrepreneur. Du moins, c’est ainsi qu’elle avait présenté la chose. En termes tellement élogieux que je me suis dit qu’on n’apprenait jamais assez.
Résultats des courses ? Du vent ! Rien que ça.
Pour résumer, ce jeune homme – entrepreneur à temps plein depuis 5 ans – parlait d’une idée qu’il avait et n’avait pas encore vu le jour. Pas encore.
A son actif, aucune réalisation, si ce n’est sa page Facebook où il passe des journées à donner des conseils qui devraient pousser des jeunes à « travailler pour eux-mêmes » et (ce sont ses termes) à ne jamais dire à quiconque « Patron ».
Ce jeune homme – brillant vendeur de vent – est à l’image de nombreux jeunes qui se permettent aujourd’hui de vendre l’entrepreneuriat comme la manne, la solution à tous les problèmes du chômage sur le continent.
A coup de longs textes sur les réseaux sociaux, ils se présentent – avec une humilité feinte – comme des « Messies » sortis du système et ayant dépassé la dure période de recherche d’un emploi… parce qu’étant devenus employeurs eux-mêmes.
Gros mensonge.
Entrepreneuriat… KESAKO ?
Déjà, évitez le trop connu « Entreprenariat ». Si le mot est très utilisé, il convient plutôt d’écrire « ENTREPRENEURIAT »
Pour Franck Knight et Peter Druker, l’entrepreneuriat consiste à prendre des risques. Pour ces spécialistes du management, l’entrepreneur est une personne qui est prête à mettre en jeu sa carrière, sa sécurité financière pour mettre en œuvre une idée. Mieux, il est prêt à mettre son temps et son capital dans une entreprise risquée.
Dans une définition plus moderne, l’entrepreneuriat c’est la capacité d’un individu de créer de la richesse ou dans un sens moins lucratif, de faire adopter un comportement.
Entreprendre suppose donc deux choses : prendre des risques ET mettre une idée en œuvre. Nous ne parlons pas forcément de production de richesse mais de mise en œuvre d’une idée. Rien que ça.
Entrepreneurs 2.0… ces vendeurs d’illusions professionnels.
Je suis – sans être de la génération Z – une jeune femme qui vit plutôt bien dans ce monde digital. Ce monde qui veut que tout se dise et tout se sache.
En 2015, Umberto Eco qualifiait les réseaux sociaux en particulier « d’invasion d’imbéciles ».
Ils ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel.
Les réseaux sociaux ont effectivement donné la parole à tout le monde et à n’importe qui. S’il est vrai que certains VRAIS entrepreneurs donnent de précieux conseils, il y a également ces entrepreneurs auto-proclamés « coach » qui pensent donner des leçons sur une expérience quasi-inexistante. Et Dieu sait que j’ai mis « quasi » pour rester polie.
A coup de « Moi, je… » , ils décrivent l’entrepreneuriat comme la voie à suivre pour chaque jeune qui veut marquer ce monde et encouragent les étudiants à entrevoir l’entrepreneuriat comme la porte du succès. Citant leurs échecs comme des exemples à suivre et la phrase clés restée la même depuis des années : « Le plus important ce n’est pas combien de fois tu tombes mais combien de fois tu te relèves ».
Ils sont effectivement de plus en plus nombreux à s’autoproclamer « Entrepreneurs ». Les plus inspirés vous donneront même une carte de visite avec ce mot comme seule indication et parleront longuement d’un projet qui n’en est toujours qu’à l’étape d’idée. Vendant le rêve d’une vie où ils changent le continent. Euhh…
En attendant, le seul risque que prennent ces entrepreneurs, c’est de rester derrière leurs ordinateurs à écrire plagier des textes pour motiver embobiner une jeunesse déjà trop perdue et sans repères. Dépendants – pour un grand nombre – des finances de papa et maman, ils ont google comme meilleur ami.
Ce qu’il fallait dire…
Il est vrai que le titre de cet article pourra prêter à confusion. Précisons donc les choses. Je respecte PROFONDÉMENT les entrepreneurs, les vrais. Ceux qui ont choisi de prendre le risque de réaliser leurs rêves et qui se battent pour que les choses se fassent.
Un exemple qui m’a toujours épaté reste celui de Mariama Touré. Communicatrice de talent qui décide de lancer le 1er Centre de danses urbaines au Sénégal.
Je me souviens de ma réaction lorsque j’en ai entendu parler : What the fuck ! Oh My God!
Mon esprit parfois trop carré se demandait comment il était possible de tout lâcher pour mettre en place une école de danse, en sachant que ce n’est pas dans les habitudes africaines de payer pour apprendre à danser.
Trois ans plus tard, c’est avec le sourire et beaucoup de fierté que je vois sa réalisation mais encore plus, je suis touchée lorsqu’elle n’hésite pas à dire que c’est avec beaucoup de travail et de sacrifice qu’elle en est arrivée là.
Croyez-moi, si vous la rencontrez après une des longues journées comme elle en a le secret, elle vous dira ce qu’il fallait dire… ce n’est pas facile.
Parce que oui, c’est ce que trop d’entrepreneurs – coachs – vendeurs d’illusions professionnels oublient de dire. Entreprendre, c’est difficile. Ce n’est pas un tour de passe-passe, votre compte en banque ne se retrouve plein à craquer du jour au lendemain.
Avant de quitter votre emploi…
Oui, vous en avez marre de dire « Oui, Patron » mais si vous voulez quitter votre emploi pour entreprendre, ne le faîtes surtout pas sur un coup de tête.
D’ailleurs, vous pouvez entreprendre en étant tout de même salarié quelque part ailleurs. Vous devrez travailler plus dur mais vous aurez de quoi tenir, en attendant d’être autonome.
L’histoire de Steeve jobs est tellement inspirante mais il y a un pas entre lire et faire. Un énorme pas.
Avant de voir l’entrepreneuriat comme l’ultime solution…
Je ne vous dit pas le nombre de jeunes fanatiques que je rencontre et qui osent me dire qu’ils ne chercheront pas un boulot mais seront illico presto leurs propres patrons… C’est la chanson à la mode.
Mais Samantha, il n’y a pas d’emploi. Et puis pourquoi travailler pour les rêves d’un autre quand on peut avoir le sien ?
Ma réponse est simple.
Pour apprendre.
Au delà du « Oui, Patron » que personne ne veut dire, il y a l’expérience qui s’acquiert avec le temps. Des choses qui ne s’apprennent pas toujours sur les bancs de l’école.
Les associations d’entraide et de soutien aux jeunes entrepreneurs ne font malheureusement pas grand chose, si ce n’est d’organiser des réunions pour prouver à leurs partenaires qu’ils travaillent.
Avant de tout perdre…
En me lisant, vous penserez peut-être que je suis contre l’entrepreneuriat. Que nenni ! Je pense sincèrement que c’est une des solutions pour faire avancer le continent. Mais que ce n’est pas la seule et unique solution.
Si vous souhaitez entreprendre, allez-y ! Mais gardez la tête sur les épaules et sachez que même si les prétendus gourou-entrepreneurs ne le disent pas : TOUT LE MONDE NE PEUT PAS ENTREPRENDRE.
Rien à voir avec le dessin animé « Ratatouille » où tout le monde peut cuisiner. Nous sommes dans la vraie vie et c’est un fait, nous ne sommes pas tous fait pour entreprendre.
Alors essayez, donnez le meilleur de vous, vivez votre rêve… mais sachez quand arrêter. Et tentez autre chose.
Soyez patients, soyez réalistes aussi car dans cette aventure que vous aurez choisi d’entreprendre, vous serez SEUL.
Oui, ceux qui vous encouragent ne seront certainement pas là lorsqu’il faudra boucler des fins de mois difficiles alors prenez-en note : vous ne pourrez compter que sur vous même.
Et ça, on ne vous l’a pas assez dit.
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