Fadiouth. Ile de la petite côte sénégalaise est située à 120km de Dakar et est reliée à Joal par un pont pittoresque en bois, long de 725m. Mystérieuse, Fadiouth est une île au mille et un secrets qui a su garder au fil du temps ; son héritage culturel. Elle semble être une porte ouverte sur un autre Sénégal. Un Sénégal qui étonne, un Sénégal qui attire. Et j’y étais.
Bien que vivant au Sénégal depuis une dizaine d’années, je n’ai malheureusement pas eu la possibilité de visiter la commune de Joal-Fadiouth qui a vu naître le premier Président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor; et encore moins l’île phare de cette zone : Fadiouth. J’y suis allée pour assister aux obsèques de la belle-mère d’une collègue et malgré le contexte spécial, Fadiouth a fait étalage de sa particularité et de son charme.
Fadiouth, l’arrivée…
Fadiouth est connu pour son pont en bois qui relie de façon particulière cette petite île au reste de la commune de Joal-Fadiouth. Il se dit que lorsque la marée est basse, il est possible de traverser l’étendue d’eau à pied. Mais je n’ai pas eu à vérifier, j’avais hâte de traverser ce pont.
Fadiouth, l’île aux coquillages…
Un des faits marquants à Fadiouth est que l’île est entièrement recouverte de coquillages. Au détour de chaque ruelle, de chaque place publique, dans les cours des maisons ; vous trouverez des coquillages partout. Une sorte de tapis blanc dont le crépitement vous accompagne au fur et à mesure que vous découvrez l’île et ses habitations.
Pour la petite histoire, il est dit que les premiers habitants vivaient d’huitres péchées dans la mer et qu’ils gardaient les coquilles pour s’en servir dans la construction.
Fadiouth, culturellement vôtre…
En arrivant à Fadiouth, on a l’impression – comme dans la plupart des villages africains – que tout le monde connaît tout le monde. Ce qui m’a permit de passer de cours en cours, histoire de saluer les voisins et la famille et de remarquer que les ruelles étaient tracées de façon tellement désordonnée qu’on pouvait passer sans peine d’une maison à une autre.
Entre deux causeries, j’ai pu apprendre que traditionnellement, chaque « classe d’âge » organise son « ngel », une danse traditionnelle entretenue depuis des années. Cela permet de raffermir les liens entre les ressortissants de Fadiouth de la même génération.
Autre rappel de son attachement à la culture, un baobab que l’on dit vieux d’au moins 600 ans et qui a pour mission de veiller sur les natifs de Fadiouth. Il se dit que lorsque quelqu’un cause du tort à l’un d’entre eux, il suffit qu’il prenne avec lui un coquillage et vienne se plaindre au baobab. L’offenseur ainsi que sa famille subiront ensuite, c’est ce qui se dit ; un grand tort. C’est pourquoi depuis quelques années les anciens sont réticents à cette pratique, jugée trop sévère.
Fadiouth, son cimetière mixte…
Au Sénégal, on estime que 95% de la population est musulmane. Les 5% restants sont reparties entre les croyances chrétiennes et animistes majoritairement.
A Fadiouth, 95% de la population est chrétienne et les 5% sont majoritairement musulmans.
Pour rappel, j’y suis allée pour assister à des funérailles. Et bien que j’avais des appréhensions, je me suis rendue compte que c’était certainement le meilleur des moments pour être en contact réel avec les gens.
Après avoir été accueillie par la famille et les amis de la défunte, nous avons partagé un repas copieux avant de nous rendre à l’église de Fadiouth, certainement la plus grande bâtisse du village.
En y arrivant, j’ai appris qu’on célébrerait le culte funèbre de 03 défunts. Fadiouth avait en effet perdu 03 de ses enfants.
Ce qui m’a frappée de prime abord c’est que toute la messe a été dite en serrère. Des lectures de la Bible, aux prières communes en passant par le prêche ; tout a été fait en langue locale. J’étais bluffée.
A l’issue de cette messe, nous avons accompagné les défunts vers une autre place publique où ils devaient recevoir le dernier sacrément avant d’être mis en terre. Et c’est là que j’ai été stupéfaite.
Le village entier, chrétiens et musulmans ; marchaient derrière les porteurs des cercueils dans un silence étonnant. Ceux qui n’avait pas pu être à la messe avaient dressé comme une haie d’honneur dans les petites ruelles pour laisser passer les défunts. Les boutiques étaient fermées, les étals du petit marché avaient été rangés et même le temps semblait s’être arrêté pendant que Fadiouth pleurait –silencieusement – ses morts.
Après les sacrements, les femmes se sont arrêtées à la limite entre l’île de Fadiouth et l’autre île, celles où reposent les défunts du village sans distinction de croyances.
Le cimetière de Fadiouth est situé sur une île qui fait face au village. Avant, il fallait prendre une piroque pour la rejoindre. Aujourd’hui, un pont relie l’île des vivants à celle des morts. De loin, on aperçoit de nombreuses croix blanches parmi la verdure et un silence y règne. Profond et mystérieux. C’est là que gisent dans une cohabitation parfaite les défunts habitants de l’île, sans distinction de leur appartenance religieuse.
Ainsi donc, ayant vécu dans une acceptation des croyances des uns et des autres durant leurs vies, ils reposent désormais au cœur de ce qui fait tout la particularité de ce village : Sa mixité.
J’étais donc à Fadiouth, au cœur d’un événement marquant et j’ai pu voir dans les regards autant de compassion pour ceux qui sont désormais partis que d’attachement à cette petite île.
J’étais à Fadiouth et j’ai été merveilleusement surprise de ce que cette partie du Sénégal avait à apprendre au monde, surtout en ces temps de crise.
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