Depuis 10 ans maintenant, je vis dans la capitale sénégalaise, Dakar. Petit coin de l’Afrique de l’Ouest où le nombre d’automobiles semble être trop grand pour ces avenues souvent encombrées. Entre le « Tata », ce minibus blanc toujours trop plein ; le « Dem-Dikk » , transporteur national , toujours en retard ; le très connu « car rapide » aux couleurs affriolantes ; cercueils ouverts et stars de la capitale….il y’a aussi le Taxi.
Oui, les Taxis Dakarois. Jaune et noir, tel un clin d’œil à ceux de New-York ; qui déambulent dans la ville peu importe leur état.
Ces taxis là…
Si vous êtes en retard, ne prenez surtout pas un taxi à Dakar !
Ce matin – 07h25mn- je sors de chez moi. Nous sommes un Vendredi à Dakar, jour de prière. Les pantalons sexy des dames ont été troqués contre des pagnes. Je n’échappe pas à la règle.
De l’autre côté de la rue, j’arrête mon taxi et c’est là que commence mon périple.
07h30mn : Les taximen de Dakar, ces négociateurs hors-normes.
Le dialogue est presque toujours le même. Un « Must know » avant de s’aventurer dans les rues dakaroises.
Nanga deff. Rond point Nord-foire. Niatala ?
(Bonjour. Rond point Nord-foire. C’est combien ?)
Et là, comme par enchantement, vous aurez l’impression d’avoir atterri directement à Wall Street, en pleine négociation du prix du coton.
Le taximan commencera par le prix le plus haut qu’il aura en tête, sachant pertinemment que la distance ne peut valoir les 3000f qu’il exige.
En règle générale, divisez le prix par deux (ou par trois, si le Monsieur pense que vous avez le même portefeuille que Macky Sall Bill Gates) et proposez lui cette somme. Puis insistez et enfin, faîtes mine de partir. Après ce ballet, il vous fera certainement signe de la main pour vous dire de monter.
Mon taximan du jour me fit donc signe de monter. J’avais gagné le 1er round.
07h35mn : Les taximen de Dakar ont besoin d’un GPS
Je ne sais pas si le carburant est offert gratuitement ou si ils cultivent une passion pour les longs trajets et les embouteillages, mais les taximen de Dakar ont le don de choisir la mauvaise route, au mauvais moment et à la mauvaise vitesse.
Dans mon cas, habituée aux différents trajets qui mènent jusqu’à mon lieu de travail ; je sais qu’il y’a des endroits à éviter les matins avant 9h parce que bondés. Toujours.
Vous me direz que le taximan chevronné qui me conduisait saurait ne pas emprunter ces rues « fatales » pour mon timing. Que nenni !
Malgré mes demandes répétées d’éviter le fameux endroit, mon chauffeur du jour y a foncé. Tel un bélier.
Résultat des courses : Nous voici coincés dans un embouteillage sans nom, obligés d’espérer un miracle.
Et c’est précisément à ces moments où je me bats pour ne pas le traiter d’un nom d’oiseau que mon chauffeur choisit de se retourner, petit sourire gêné en coin :
Balma hein ! Sokhna-ci. Balma.
(Pardon Mademoiselle. Pardon)
07h50mn : Les taximen de Dakar, ces centres d’appel ambulants.
Les taximen à Dakar sont tous des hommes importants. Ou du moins, chargés d’affaires importantes qui ne peuvent pas attendre qu’ils aient fini leurs courses pour passer un appel.
Généralement, lorsque le téléphone de mon taximan du jour sonne, je préfère qu’il se gare un instant pour répondre si il semble tenir à prendre l’appel. Autant préserver ma vie, quitte à perdre quelques minutes.
Malheureusement pour moi, la plupart du temps, c’est le taximan lui-même qui prend l’initiative de lancer un appel pendant qu’il conduit.
Celui de ce matin l’a d’ailleurs fait. Focalisé sur son téléphone, il a grillé un feu et évité – de peu – qu’une voiture nous fonce dessus.
Effrayée, je l’ai interpellé en sortant mes deux arguments ultimes.
Doucement ! Je n’ai pas encore d’enfants et je suis la seule fille de ma mère oh !!!
Il a fait mine de ne pas m’entendre. Ou simplement de ne pas comprendre.
Voyant qu’il ne lâchait toujours pas son téléphone, je l’ai à nouveau interpellé. Sa réponse a été épique.
Sa dund Yallah mo ko yor. Du mane.
(Ta vie dépend de Dieu. Pas de moi)
08h12mn : Les taximen de Dakar ont un problème sérieux avec Molière
Le Sénégal est connu pour être le berceau de plusieurs intellectuels africains. Entre Senghor et Cheikh Anta Diop, il faut dire que le pays a des ambassadeurs de haut niveau. Pourtant une grande majorité de la population est illettrée et peine à comprendre la langue de Molière. Pour certains, c’est le Wolof ou rien. Pour un grand nombre de taximen aussi malheureusement.
Me concernant, mon chauffeur du jour avait quelques bases françaises mais , il devait avoir l’esprit ailleurs.
C’est ainsi qu’arrivés au Rond Point où je me rendais, je lui ai demandé d’avancer et de prendre la droite. Le monsieur a pris la gauche.
Moi : J’ai dit droite non !
Lui : Mais fii droite leu (Mais ici, c’est la droite)
Moi : Non, c’est la gauche…
Pendant la minute qui a suivi, il a tenu à m’expliquer à coups de gestes qu’il venait de prendre la droite.
Pressée et désormais en retard, j’ai décidé d’aller dans son sens. Oui, je m’étais trompée. La droite était la gauche et la gauche était la droite. Tout ce qu’il voulait. Pourvu que je descende.
08h17mn : Les taximen de Dakar n’ont jamais de monnaie.
Important à savoir. Le taximan de Dakar n’a jamais de monnaie et si – comme moi ce matin – vous n’avez pas averti par avance que vous avez un gros billet, soyez sûrs qu’il restera dans sa voiture, attendant que vous alliez chercher des petites coupures et vous guettant du coin de l’œil. Les plus gonflés klaxonneront même, histoire de vous dire que vous les mettez en retard. La bonne blague !
Par contre, restez toujours à l’intérieur lorsque vous attendez votre monnaie. Certains d’entre eux sont partis avec mon reste alors que je prenais la peine de descendre. L’autre bonne blague.
08h22mn : Les taximen de Dakar ont le don de vous mettre en retard
Je le disais au début de ce billet. Si vous êtes en retard, ne prenez surtout pas un taxi à Dakar.
Parce qu’ils vous feront perdre du temps à discuter sur le prix de votre course.
Parce qu’ils pensent que vous devez découvrir la capitale sous toutes ses façades et quoi de mieux pour cela qu’un embouteillage ?
Parce qu’ils manipulent constamment leur téléphone, au détriment de leur volant. Et bien entendu, Dieu est bon !
Parce qu’ils ne comprennent que ce qui les arrange, au moment où ça les arrange.
Parce qu’ils n’ont jamais de monnaie et qu’ils ne vous aideront surement pas à en chercher.
Bref ! Autant que cela dépend de vous, ne prenez surtout pas de taxi à Dakar.
Sauf si vous n’êtes pas pressés.
Ou si votre responsable est aussi un Dakarois et que son taxi arrive juste après le vôtre.
Il comprendra votre retard d’un seul regard.
Ce n’est jamais simple de prendre un taxi à Dakar.
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