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Pâques au Sénégal : L'unité a un goût de Ngalakh

Je vis au Sénégal depuis 10 ans maintenant. Oui ! 10 ans – bientôt 11 – pendant lesquels j’ai appris à m’attacher au pays de la Téranga. Au delà des bruits du Dakar culturel, des plages de sable fin de Saly, de la vieille ville de Saint-Louis ou même de la verte Casamance, il y’a une chose qui me rend amoureuse du pays de Léopold Sédar Senghor : le Ngalakh.

A la veille de la Pâques chrétienne, le Ngalakh – dessert local très prisé – est attendu dans toutes les familles. Chrétiennes comme musulmanes.

Signe de fraternité et de cohésion sociale entre musulmans et chrétiens, ce mets – pas si simple à cuisiner – est le symbole de ce Sénégal laïc, ouvert et tolérant.

Crédit photo Congerdesign via Pixabay

Le Sénégal, pays de l’Afrique de l’Ouest de près de 14 millions d’habitants ; est majoritairement musulman (94%). Les chrétiens, principalement catholiques, représentent 5% de la population et les croyances traditionnelles sont créditées de 1%. C’est un pays réputé pour sa tolérance religieuse. En effet, il n’est pas rare de voir dans les rues de Dakar, des membres d’une même famille ayant des croyances différentes.

Dans la société sénégalaise, le « Amen » côtoie facilement le « Amine ».

Fêter Pâques au Sénégal

La Pâques est la commémoration chrétienne la plus importante. Elle commémore la résurrection du Christ et est précédée par la semaine Sainte au cours de laquelle se revit la passion du Christ,

Si vous êtes chrétien nouvellement arrivé au Sénégal, vous serez certainement surpris de voir que Pâques est une fête très attendue. Tant chez les chrétiens que chez les musulmans.

Quelques semaines avant, vous remarquerez d’ailleurs – sur les réseaux sociaux – que de nombreux musulmans rappellent à leurs amis chrétiens que la « pâques arrive ». De la même façon, les chrétiens n’hésiteront pas à taquiner leurs proches musulmans à l’approche de la Tabaski. C’est le Sénégal ! Li moy Sunugal.

Depuis des décennies, le Ngalakh (prononcer ngalar) est symbole de la cohésion sociale. A l’image de la viande de mouton qui est gracieusement offerte aux chrétiens par les musulmans lors de la Tabaski, les chrétiens s’emploient aussi à offrir ce dessert à leurs proches d’une autre confession.

Le Ngalakh, c’est quoi ?

Crédit Photo Ngalakh via talkforeigntome.com

Le Ngalakh est un dessert au Sénégal. Son ingrédient principal, le Karaw ou Araw, est genre de couscous obtenu à partir du millet. A la différence du Tchiakry qui est fait avec de la crème aigre ou – modernité oblige – avec du yaourt, le Ngalax est assaisonné avec de la pâte d’arachide et du « bouye », fruit du baobab. Il est souvent agrémenté de noix de coco rappé ou de raisins secs. Pour préparer ce délice – pour les langues et les cœurs – vous aurez besoin d’un tamis très fin et de beaucoup de patience.

Sa préparation n’est toutefois pas simple car il faut trouver le bon dosage pour éviter que le mélange soit trop pâteux ou trop liquide, que l’on sente trop le gout de l’arachide et moins celui du bouye, qu’il y’ait trop de noix de coco ou de raisins secs.

Tout un art. Tout un défi.

C’est connu ! Au Sénégal, pour chaque fête religieuse, il y’a un plat spécifique. Du poulet de la Korité (Aid El Fitr) au mouton de la Tabaski (Aid El Kebir) en passant par le Tiéré de la Tamkharit (Achoura), il y’en a pour tous les gouts. Et chaque moment passé autour d’un bol où s’emmêlent les mains, est une occasion de raffermir les liens.

Le Ngalakh…Ce témoignage cordial

Nous sommes déjà le jeudi saint et alors que la veillée pascale se prépare dans les églises, les femmes s’affairent à mettre au point les derniers réglages avant d’entrer en cuisine. Il faudra calculer les quantités afin de n’oublier personne. Le Ngalakh est souvent un moyen de rappeler à ses voisins ou à ses proches qu’ils sont importants. C’est aussi l’occasion de nouer des liens avec un nouveau voisinage ou…de préparer l’arrivée de la Tabaski.

Vous l’avez compris ! Bien loin des qualités gustatives qui rendent le Ngalakh populaire, c’est davantage la symbolique de ce qu’il représente. Parfois, il vient de loin pour transmettre un message de paix, d’amour, de fraternité.

Ce n’est pas simplement un gout dans la bouche, c’est surtout un gout dans le cœur. Une sorte de rappel pour dire « J’accepte ta différence et je suis heureux que tu acceptes aussi la mienne ».

Le Sénégal a beaucoup de leçons à apprendre au reste du monde. Plus je passe du temps ici et plus j’en suis convaincue. C’est notre devoir – en ces périodes troubles – de cultiver cet esprit de partage et d’acceptation car oui, il n’y a pas de guerres entre les religions. Les guerres viennent de l’interprétation qu’en font les gens.

Demain – Si Dieu le permet – la chrétienne étrangère ne sachant toujours pas faire du Ngalakh, que je suis ; recevra sa part de Ngalakh. Et entre deux cuillerées, je remercierais le ciel d’avoir guidé mes pas dans ce pays où le « Amen » fait si bien écho au « Amine ».

Bonne fête de Pâques.

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Auteur·e

samanthatracy

Commentaires

Mawulolo
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Joli billet. Moi j'ai plein de ngalakh
Je t'autorise à mettre des liens vers mes billets Tabaski...lol
:D