J’ai passé une journée des plus normales. Une magnifique journée qui s’est terminée sur une note d’amitié et de fraternité. Je rentrais chez moi lorsque j’ai croisé des jeunes filles, à peine la vingtaine. L’une d’entre elle pleurait et ses deux autres amies essayaient de la réconforter, tant bien que mal.
Touchée, je me suis approchée pour leur proposer mon aide.
Donnez lui un peu d’eau…Attendez, elle va s’asseoir là…
En me voyant arriver à la rescousse, les deux autres filles sont littéralement tombées, elles aussi. Je me suis donc retrouvée à 23h, dans la rue, à réconforter des parfaites inconnues.
La première – celle qui pleurait le plus – répétait en boucle une phrase.
Pourquoi elle a fait ça… Pourquoi elle a fait ça ?… Pourquoi ?
Curieuse, j’ai réussi à poser la question entre deux tapes sur son épaule.
Elle… Elle a fait quoi ?
Les filles se sont regardées et entre deux sanglots, m’ont répondu.
Elle s’est suicidée.
Pour la petite histoire – et d’après leur récit – une de leur amie a mit fin à sa vie, dans le pays où elle était partie poursuivre ses études. Je n’ai pas eu assez de précision sur la victime, les lieux ou les faits mais j’ai appris qu’elles s’étaient parlé toutes les quatre, il y’a quelques jours. Que tout allait pour le mieux et ce soir, elles ont appris que leur amie avait mit un terme à sa vie, dans sa chambre d’étudiante, seule et silencieusement.
Surement gênées de s’être confiées à une parfaite inconnue, les trois jeunes filles se sont levées d’un même pas et ont disparu – larmes aux yeux – dans la nuit.
Je suis restée un moment debout. Choquée. Peinée. Impuissante.
« Je vais bien », ce mensonge au quotidien…
En analysant cette histoire, je me suis rendu compte que ce n’était pas la première fois que j’entendais parler d’histoires de suicide ou même de tentative de suicide. Généralement, la personne qui a commit l’acte est taxée « d’idiote ». Je me souviens d’ailleurs que plusieurs fois, j’ai jugé ces actes sans en savoir le pourquoi.
Pourtant, combien de fois ai-je moi-même répondu « Je vais bien » alors qu’au fond de rien n’allait et qu’il me fallait puiser au fond de moi pour trouver la force de sourire ?
Et je ne pense pas être la seule.
Pourtant, autour de nous, les salamalecs sont devenus un simple rituel où les phrases sont pré-écrites et où il faut répéter un éternel dialogue.
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Comment tu vas ?
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Je vais bien. Et toi ?
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Ca va. Merci
Les mêmes mots, les mêmes questions et très souvent, pas les mêmes sentiments. Mais qui y prête attention ?
« La dépression ? lol… C’est un truc de blanc, ça ! »
Je ne vais pas m’avancer en donnant des chiffres erronés mais dans les différents milieux que je côtoie, rares sont les personnes qui prennent au sérieux les histoires de dépression.
D’ailleurs, lorsqu’on parle de Psychologue ; le mot est très vite associé à la folie. Ou mieux, dans la croyance populaire… la dépression est une maladie de blanc. Ou de riche. Ça dépend du contexte.
J’en parlais il y’a quelque temps avec un ami qui n’a pas hésité à me dire, je cite :
Dépression ? C’est pas un mal ça…Quand tu as faim, que tu as soif, que tu es endetté…Tu n’as pas le temps de déprimer. Tu dois chercher comment t’en sortir.
Peut-être !
Pourtant, des gens s’ôtent la vie. Sans raison apparente. Sans aucun signe que ça n’allait pas. En silence.
En Afrique, être dépressif c’est être marginalisé. Certains l’associent même à du « M’as-tu vu? ». Selon eux, c’est pour se faire voir que l’on prétend être déprimé.
Mieux, beaucoup d’entre nous – africains – se disent qu’il est impossible que l’on soit dépressif, au vu de la forte culture de socialisation dans laquelle nous vivons. Il y’a généralement toujours quelqu’un pour nous écouter.
Pourtant, des dépressifs; il y’en a! Des gens qui se meurent dans un silence impuissant, face à ce qui ne semble pas être une maladie.
Noire et psy… Le blog !
Il y’a quelques jours, j’ai découvert le blog « Noire et psy ». Un blog où un psychologue partage ses connaissance, analyse des comportements et donne des conseils… très orientés – tout de même – vers les noirs.
Vous serez sans doute tenter de demander pourquoi elle met l’accent sur le « Noire »…Je ne lui ai pas (encore) demandé mais j’estime que c’est sa façon de faire passer son message. Surtout pour le continent.
Son approche simple des différentes situations de la vie encourage les gens qui ne croient pas s’y connaissent pas – à la psychologie – à en apprendre davantage.
Un excellent point pour le blog que je vous invite à découvrir.
Ma thérapie…
J’écris cet article parce que j’ai été chamboulée. Parce que je ne vais pas bien et que voir la détresse de ces filles a été comme un miroir pour moi-même. Le plus bêtement du monde, je me suis demandé pourquoi cette fille – que je ne connais toujours pas – a décidé de mettre un terme à sa vie. Comment a t-elle prit en âme et conscience, la résolution d’en finir ? Comment…mais surtout Pourquoi ?
« Quand tu es la seule personne à te soucier de toi…C’est qu’il est grand temps de couper certains ponts et d’ouvrir d’autres portes »
C’est cette phrase qui m’a tout de suite traversé l’esprit en jetant un œil sur ma propre vie. Je me suis demandé combien de personnes arrivaient à voir ma tristesse derrière mes sourires ? Ma faiblesse derrière ma force ? Ma peur derrière mon courage ? Mes regrets derrière mes espoirs ?
Je me suis posé la question et la réponse m’a brisé le cœur : Je pourrais les compter sur les doigts de ma main.
Rassurez-vous…Ceci n’est pas un testament ou une lettre d’adieu. C’est simplement une grosse prise de conscience devant ce monde qui nous entoure.
Demain, en sortant de chez moi… Je ne serais plus machinale. Je vais tenter de remplacer mes habituels salamalecs par des vraies questions et offrir l’attention qu’il faut pour trouver les réponses. Les vraies.
Ce soir, j’ai rencontré trois jeunes filles qui ont perdu un être cher. Elles ont disparu dans la nuit mais m’ont laissé un bout de leur peine, de leurs regrets.
Et si j’avais fait attention à ses larmes ? Et si j’avais vu qu’elle ne souriait pas ? Et si j’ai ignoré sa tristesse ?
Autant de questions désormais sans réponses.
A vous qui savez détecter un SOS derrière les « Je vais bien » et les faux sourires…Dieu vous bénisse. Vous sauvez des vies.
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